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Témoignage de Mme Jodeau, Octobre 2004 à Confolens.



Madame Jodeau a eu la gentillesse de nous recevoir dans sa cuisine, et de répondre à nos questions, puis de laver dans la Vienne, agenouillée sur sa selle, pour nous!
Mon premier lavoir était situé près de l'abattoir. Quand on était gamins, on n'avait pas d'argent, alors, on récupérait les vessies de cochon, on les remplissait d'eau pour faire des ballons. Quand ils crevaient, on allait en chercher un autre.
Puis, je me suis mariée et j'ai lavé alors en face. Quand la Vienne montait, qu'on ne pouvait laver, j'allais au lavoir derrière la gendarmerie, il y avait une pompe aussi. Mais il a disparu. C'est dommage, parce qu'il ne gênait personne, ce lavoir!


Et l'hiver, ça ne devait pas être très drôle, d'aller laver le linge à la Vienne?
Il y avait de la glace et il fallait la casser avant de commencer.

Vous preniez des gants?
Non, jamais, je n'aime pas ça. Autrefois, il y avait une ferme à côté. Les vaches venaient boire ici, et les gendarmes amenaient leurs chevaux. On était toujours en train de se détourner, on surveillait. Et quand les vaches arrivaient, on enlevait vite les selles, et le linge. Après, quand il y a eu l'eau courante, c'était pas pareil.

J'ai lu aussi sur un livre que certaines lavandières faisaient leurs savons?
Oh, je n'ai jamais fait mon savon! Je l'achetais. Mais il y en a qui allaient à l'abattoir chercher la graisse, on faisait fondre pour fabriquer du savon. Mais même pendant la guerre, on n'a manqué de rien.

Et vous faisiez bouillir votre linge?
Oui, j'ai une petite lessiveuse, que je fais chauffer sur ma cuisinière. On allait le laver, on le faisait bouillir, et on repartait le rincer à la Vienne.

Pour transporter le linge, vous utilisez une brouette?
Non, c'est trop près, je ne prends pas de brouette. Quand j'habitais à côté de l'église, oui, parce qu'il fallait traverser toute la place. Mais ici, non.

Vous étiez nombreuses au lavoir?
Le lavoir était toujours plein! On était sept, huit.

Vous deviez causer entre vous, vous raconter vos petites histoires?
Oh, on parlait, bien sûr! Quand c'était trop sale ou que la Vienne débordait, on allait à Villevert. Pendant la plus grande inondation, en 1944, l'année où mon fils est né, la Vienne venait jusqu'au restaurant Chez Joseph. C'était tout inondé devant l'église, partout. A la Fontorse, l'eau est passée sur la première arche du Pont-Vieux. Maintenant, il n'y a plus d'inondation, depuis qu'ils ont fait le barrage.

Est-ce qu'il y a eu des noyades, pendant que vous laviez?
Non, je n'en ai jamais entendu parler. On faisait très attention. Pendant les vacances, mes gosses venaient laver avec moi, et je leur avais fait faire une petite selle, ils se mettaient à côté de moi, et ils lavaient. Mais même encore, mes petits enfants viennent laver avec moi.

Puis Madame Jodeau est allée au bord de la Vienne. D'abord, avec un bout de bois, elle nettoie la surface de l'eau pour éloigner les feuilles ou papiers qui surnagent.
Moi, je n'ai jamais battu mon linge. Pour l'essorer, on le tordait. Je n'ai jamais utilisé de brosse non plus, j'ai l'habitude de l'eau froide! J'ai toujours travaillé dans la glace car mon père vendait du poisson, alors…
Elle savonne sur la planche, frotte entre ses mains, toujours en répondant à nos questions :

Ça ne donnait pas trop mal au dos et aux genoux?
Oh, vous savez, quand on a l'habitude! Les laveuses, elles ne faisaient que ça! J'ai une machine à laver, mais je ne m'en sers que pour les draps. Parce que c'est lourd, surtout dans le temps, les draps en métis.



Les canards et les cygnes s'approchent, pas du tout intimidés par notre présence. Nous sommes émues, conscientes de vivre un moment rare, d'assister à une scène extraordinaire, comme sortie de notre enfance. Il manque juste la bonne odeur de la lessive d'antan, et la couleur étrange de l'eau de rinçage. Le temps passe trop vite, sur ces bords de Vienne, et nous quittons à regret Madame JODEAU, une des rares personnes de plus de quatre-vingts ans, qui lavait encore tout son linge dans la rivière, agenouillée sur une selle.
Son témoignage est très émouvant.